Le régime sans gluten a connu un véritable engouement ces dernières années et n’est pas prêt de s’arrêter. De plus en plus de monde a adopté ce régime après avoir constaté des améliorations notables au niveau de leur santé. Pourtant, les média publient régulièrement des rubriques assez railleuses sur cette tendance. Il n’est pas rare de voir également des médecins qui prennent position et tirent la sonnette d’alarme sur ce qu’ils appellent une dérive dangereuse. Entre les témoignages positifs de personnes convaincues et les retours d’experts alarmistes, difficile de se faire son idée. Que faut-il penser ? Faisons le point ensemble sur ce régime sans gluten.

Je dois admettre un truc. Au début, la mode du sans gluten me faisait lever les yeux au ciel. Je prenais tous les nouveaux adeptes de ce régime pour des simplets (désolée…).

Voici une conversion entre mon cerveau et moi il y a un an environ (oui, on discute beaucoup ensemble, ça nous fait du bien) :

Mais pourquoi supprimer le gluten de son régime si on n’est pas allergique, je comprends pas ? Juste pour faire comme les stars d’Hollywood ? Ou parce que c’est marqué “santé” sur le packaging ? Ce n’est pas possible comment certaines personnes se laissent influencer aussi facilement ! Ça me dépasse complètement. Ils doivent s’auto-persuader qu’ils se sentent mieux. Tout doit être un énorme effet placebo. 

Depuis que j’ai commencé à creuser comme une dingue dans le domaine de la nutrition pour apprendre à calmer ma maladie auto-immune, j’ai compris que c’était moi qui étais naïve. Les adeptes du régime sans gluten avaient tout compris. (Enfin peut-être pas tous… Soyons honnête. Des cruches qui suivent une mode sans réfléchir, il y en a partout !).

Si tu as des doutes sur ce régime ou cherche des arguments pour convaincre tes collègues, cette article est pour toi ! J’explique comment je suis arrivée à la conclusion suivante : la plupart d’entre nous ferions bien d’au moins tester ce régime et certains d’entre nous ont tout intérêt à le suivre pour le restant de leur vie.

C’est quoi le gluten ?

Un mélange de protéines

Le gluten est un mélange de deux types de protéines (les glutélines et les prolamines) que l’on le trouve dans les graines de certaines céréales comme le blé, l’orge et le seigle. Le gluten est en fait un stockage de nutriment utilisé par les jeunes pousses lors de la germination (comme quand ta maman remplis ton frigo à craquer pour que tu puisse survivre les premières semaines à la fac tout seul).

Avec l’agriculture, nous les humains avons compris que nous aussi pouvions aller taper dans ce frigo. On a appris à mouliner les graines pour faire de la farine et ensuite la transformer en pain (plus digest pour nos bidons). La farine est composée d’amidon et d’un mélange de protéine, dont le gluten. La teneur en gluten varie en fonction de la céréale et du type de farine. Une farine de blé classique, par exemple, contient environ 10-12 % de gluten.

Le rêve des boulangers

Grâce à sa structure moléculaire (les deux types de protéines sont entremêlés), le gluten donne des propriétés de viscoélasticité à la farine quand elle est mélangée avec de l’eau. Autrement dit, grâce au gluten, la pâte de pain est visqueuse (on peut en former une baquette sans qu’elle coule partout) et élastique (on peut tirer sur la pâte sans qu’elle se casse) à la fois. Ce n’est donc pas une surprise que certaines farines sont fortifiées en gluten pour augmenter ces propriétés qui font rêver les boulangers.

Pourquoi arrêter le gluten ?

Si le gluten est un stockage de nutriments, pourquoi pas en manger ?

Parce que visiblement le corps humain a parfois du mal à le digérer. Je te rappelle que le gluten a été créé pour les petites pousses, pas pour les humains. Même si la plupart d’entre nous supportons très bien le gluten (après cuisson), il y a des personnes qui sont intolérantes au gluten ou sensibles au gluten. Le truc c’est que les symptômes ne sont pas toujours flagrants et il est donc possible de passer à côté. Le fait de ne pas se rendre compte de son intolérance au gluten peut avoir des conséquences graves, voire mortelles. Les conséquences ne sont pas aussi critiques pour les personnes sensibles au gluten. Tout de même, s’ils ne découvrent pas leur sensibilité, ils ratent une possibilité de nettement améliorer leur santé.

C’est quoi l’intolérance au gluten (maladie cœliaque) ?

Chez les personnes atteintes de la maladie cœliaque, le gluten entraîne une inflammation au niveau de l’intestin grêle (le tube digestif juste après l’estomac), ce qui détruit petit à petit les villosités intestinales. Les quoi ? Ce sont des petits replis de la paroi intestinale qui sont couvert par des cellules (les entérocytes) qui à leur tour ont plein de tout petits replis sur leur membrane. Ça fait beaucoup de replis tout ça ! En fait, ils permettent de multiplier la surface de l’intestinal grêle 60-120 fois, ce qui donne une superficie totale de ~30 m² !

Pour résumer, en gros, tu as un studio parisien dans ton ventre. Tous ces m² servent à absorber les nutriments pour qu’ils puissent être assimilés par ton corps. Du coup, quand les villosités sont abîmées et la paroi devient toute lisse, l’absorption n’est plus très efficace. Par conséqusant, les personnes “cœliaques” ont souvent des carences en nutriments, par exemple en fer et en B12. L’inflammation chronique, alimentée par un apport continue en gluten, provoque également d’autres symptômes.

La maladie cœliaque est une maladie auto-immune et peut aussi être décrite comme une hypersensibilité retardée au gluten.

Comment savoir si je suis intolérant au gluten ?

Cette maladie n’est pas simple à diagnostiquer puisque les symptômes sont très variés et parfois tellement mineur qu’ils passent inaperçus. De ce fait, un grand nombre de malades passent à la trappe. Selon l’Association Française Des Intolérants Au Gluten (AFDIAG), 80 % des sujets atteints de la maladie cœliaque ne sont pas diagnostiqués.

Les symptômes sont divisés dans deux groupes, les symptômes classiques, liés à l’appareil digestif, et les symptômes atypiques, liés aux autres organes. Voici une longue liste de ces symptômes :

Symptômes classiques :

• Douleurs abdominales, gaz et ballonnements
• Diarrhée chronique ou une constipation
• Pâleur, selles volumineuses de très mauvaise odeur (oui ça fait rêver…)
• Amaigrissement
• Vomissement
• Ulcères ou aphtes dans la bouche

Symptômes atypiques :

• Fatigue extrême
• Irritable, anxiété, dépression
• Problème de se concentrer, “le cerveau dans le brouillard”
• Migraine chronique
• Anémie
• Carences en vitamine (B9 et B12)
• Anomalies de l’émail dentaire
• Fragilité osseuse inexpliquée
• Douleurs musculaires ou articulaires
• Eczéma
• Acné
• Psoriasis
• Dermatite herpétiforme (lésions cutanées avec démangeaisons)
• Infertilité ou fausse-couche inexpliquée
• Menstruation irrégulière, ménopause précoce
• Hypertransaminasémie inexpliquée (taux d’enzymes du foie élevé)
• Un retard de croissance ou une petite taille
• Problèmes neurologiques : manque de coordination fine des mouvements volontaires, picotement, douleur ou engourdissement dans les mains ou les pieds

Les personnes à risques

Comme j’ai mentionné au-dessus, on peut avoir la maladie sans symptômes apparents, c’est à dire, les villosités intestinales peuvent être détruites petit à petit sans qu’on se rends compte de rien. C’est pour cette raison qu’il est recommandé d’être encore plus attentif si tu te retrouves dans un des cas suivants :

• Un membre de ta famille (parents, enfant, sœur ou frère) est atteint de la maladie. Il faut une prédisposition génétique pour développer la maladie, à savoir HLA-DQ2 ou DQ8. Autrement dit, si tu n’as pas un de ces deux gènes, tu es tranquille ! En revanche, si tu es porteur des gènes, il faut te suivre de près pour vérifier que tu ne développes pas aussi la maladie cœliaque.
• Tu es atteinte d’une maladie associée à la maladie cœliaque. Tu devrais te faire tester si tu as un déficit en IgA ou est atteint d’une des maladies suivantes : Thyroïdite chronique auto-immune, Syndrome de Gougerot-Sjögren, Cholangite biliaire primitive, Colites microscopiques, Diabète de type I, Dermatite herpétiforme, la trisomie 21 ou syndrome de Turner.

Le diagnostic se fait en deux étapes, d’abord par une prise de sang (pour chercher les anticorps anti-TTG IgA). Si ce test est positif on peut ensuite confirmer le diagnostic en vérifiant l’état de ton intestin grêle. Ceci est fait par une biopsie lors d’une endoscopie. Si le premier test est négatif, il y a d’autres tests à effectuer avant d’exclure la maladie cœliaque de diagnostic. L’AFDIAG a très bien décrit le processus ici.

C’est quoi la sensibilité au gluten non cœliaque ?

L’origine de la sensibilité au gluten non cœliaque (SGNC) n’est pas claire. Les symptômes de la SGNC ressemblent fortement à la maladie cœliaque. Le diagnostic est donné aux personnes qui se disent sensibles au gluten mais qui n’ont ni la maladie cœliaque, ni l’allergie au blé (les deux tests sont négatifs). La sensibilité se présente par une amélioration des symptômes quand le gluten est éliminé du régime alimentaire et l’aggravation des symptômes quand le gluten est réintroduit.

Aujourd’hui, la sensibilité au gluten est fortement débattue dans les média. Les personnes qui se disent sensibles au gluten sont souvent traitées de hypocondriaques ou bobo. Je crois qu’il y a plusieurs raisons pour cela :

• Il n’existe aucun test qui confirme la maladie
• Les symptômes sont extrêmement variés
• C’est devenu tendance à manger sans gluten

La sensibilité au gluten, existe-elle vraiment ?

Si tu me demandes, je dirais oui. Avant de m’informer sur le sujet j’avais des doutes, comme beaucoup de monde, mais je suis maintenant convaincue de l’existence de la SGNC.

Une étude intéressante

Pour expliquer comment je suis arrivée à cette conclusion, je voudrais te parler d’une étude scientifique de 2015. Elle comprend 59 personnes qui se disent sensible au gluten mais qui n’ont pas la maladie cœliaque (ni l’allergie au blé). Ces personnes, qui suivent déjà un régime sans gluten en temps normal, sont divisées en deux groupes. Les personnes dans le premier reçoivent une capsule de gluten par jour pendant une semaine. Celles du deuxièment group, une capsule placebo (amidon de riz, donc sans gluten) par jour pendant une semaine. L’expérience est ensuite reproduite avec les deux groupes inversés.

Evidemment, personne dans les deux groupes connait le contenu de ses capsules, ni la stratégie de l’essai. Ce type d’étude est un essai transversal randomisé en double aveugle, ce qui correspond au gold standard, c’est à dire la qualité la plus haute des essais scientifiques. C’est pour cela que les résultats sont si intéressants ! L’étude montre que les personnes observaient une aggravation de leurs symptômes quand elles recevaient du gluten (sans le savoir, je rappelle). Pour cinq des ces symptômes, l’aggravation était statistiquement significative, c’est à dire, ce n’était très probablement pas un simple hasard. Ces symptômes étaient les ballonnements abdominales, les douleurs abdominales, la sensation d’avoir le cerveau dans le brouillard (foggy mind), la dépression et les aphtes buccaux.

Ces résultats sont, à mon sens, assez convaincants pour dire que la sensibilité au gluten non cœliaque (SGNC) existe bel et bien.

Le gluten – la vrai source du mal ?

La prochaine question qu’on pourrait se poser est la suivante. Est-ce que tout les gens qui se disent aller mieux depuis qu’ils ont arrêté le gluten ont vraiment une SGNC ? Je ne suis pas aussi sûre. Je ne mets pas en doutes leur ressenti, bien au contraire, mais il y a plusieurs explications possibles à leur amélioration de santé.

Si on remplace les pâtes et les gâteaux par des légumes et des fruits, on diminue automatiquement l’apport en sucre rapide et on augmente l’apport en fibre, vitamine et micronutriment. Le fait d’éliminer le sucre rapide va stabiliser le taux d’insuline dans le sang et te rendre moins irritable et fatigué. Les fibres vont améliorer le transit et les vitamines et les micronutriments vont améliorer ta santé de la tête au pied. De plus, pour suivre un régime sans gluten on est souvent obligé de cuisiner soit même. On consomme donc moins de plats industriels qui sont néfaste pour la santé (pas des produits frais, des additifs et des huiles végétales de mauvaise qualité). Voilà, plein d’explication pourquoi un individu peut se sentir mieux quand il suit un régime sans gluten.

Comment savoir si j’ai une sensibilité au gluten ?

Alors, comment savoir si l’amélioration de santé que t’observe dans un régime sans gluten est due à l’élimination de gluten ou à autre chose ? Il y a un moyen très simple. Arrête le gluten pendant 1-2 mois de façon stricte. Réintroduit ensuite le gluten et attends quelques jours pour voir une éventuelle réaction de ton corps. Si tu ne vois pas d’effet tu n’as probablement pas de SGNC. Par contre, rien de t’empêche ensuite de continuer un régime sans gluten si ça te permet de manger équilibré et te sentir bien.

 

Quels sont les arguments contre le régime sans gluten ?

La prise de poids

Si on commence un régime sans gluten sans savoir ce que c’est un régime alimentaire équilibré, j’avoue qu’on est mal parti. Il existe énormément de produits industriels sans gluten qui sont mauvais pour la santé. Par exemple, des gâteaux sucrés, plats préparés, des chips, du soda etc. Si on se nourrit principalement de ce genre de produit, on va probablement prendre du poids. Par contre, si on cuisine soi-même ses repas et si on réduit les produits industriels le plus possible, on ne risque pas de prendre du poids.

La carence en fibre et micronutriments

Encore une fois, si on mange que des plats industriels et très peu de fruits et légumes, on ne va pas améliorer sa santé. Maintenant, certains nutritionnistes disent qu’en éliminant le pain, les céréales et les pâtes, on enlève une source importante de fibres. La vérité, c’est que ces aliments peuvent être remplacés par des légumes qui contiennent plein de fibres (et en plus plein de vitamines et micronutriments)! Un deuxième argument qui est parfois avancé est le risque de carence en fer et vitamines pour la simple raison d’éliminer des produits céréaliers enrichis en fer et vitamines etc. J’ai envie de dire, pourquoi pas aller les chercher directement à la source comme dans la viande et les légumes. Pour conclure, il y a tout ce qu’il faut dans un régime équilibré sans gluten.

Le risque de développer une intolérance au gluten

Commençons par ce qui est sûr – les personnes atteintes de la maladie cœliaque et les personnes ayant une SGNC doivent absolument suivre un régime sans gluten. En revanche, pour les personnes qui ne sont pas sensible au gluten, est-ce qu’elles risquent de développer une sensibilité au gluten si elles l’évitent trop longtemps ? Honnêtement, je ne sais pas, je n’ai pas l’expertise pour pouvoir m’exprimer. Dans le doute, si tu veux suivre un régime sans gluten (sans être coeliaque ou SGNC), grignotes un bout de pain de temps à autre. De cette façon, ton  système immunitaire ne va pas se déshabituer du gluten.

Conclusion

L’intolérance au gluten et la sensibilité au gluten sont tous les deux des vraies pathologies. Parfois les symptômes sont très discrets ou complètement dissociés de l’appareil digestif. De ce fait, les deux affections peuvent rester non-diagnostiquées pendant longtemps.

Si tu soupçonnes être intolérant au gluten, demande ton médecin de faire un dépistage AVANT de commencer un régime sans gluten. Dans le cas contraire, les tests peuvent être faussés et le processus ralenti.

3 bonnes raisons de soupçonner une intolérance au gluten :

1. Tu as un ou plusieurs symptômes (cf liste plus haut)
2. Tu as un membre de ta famille qui est intolérant au gluten
3. Tu as une maladie auto-immune ou génétique associée à l’intolérance au gluten (cf liste plus haut)

Si tu as envie d’expérimenter avec ton alimentation pour voir si tu te sens mieux sur un régime sans gluten, ne tombe pas dans le piège des produits préfabriqué ‘100% sans gluten’. Évite-les le plus possible et remplace les produits contenant du gluten par une grande variété de légumes.

Un dernier conseil. N’essayez pas d’expliquer pourquoi tu a décidé de manger sans gluten si la personne en face de toi ne t’as pas demandé 😉 Les gens en général ont ras-le-bol d’entendre parler du “gluten free” partout.

Finissons par un peu de second dégrée. Une parodie (en anglais) qui se moque de la mode ‘sans gluten’ et qui explique “comment devenir intolérant au gluten” :